La Sonate au clair de lune de Beethoven, une œuvre poétique et passionnée, selon le Père Claude Jean-Marie Fould

La Sonate au clair de lune de Beethoven, une œuvre poétique et passionnée, selon le Père Claude Jean-Marie Fould

La Sonate au clair de lune de Beethoven est l’une des œuvres les plus célèbres du compositeur allemand, et l’une des plus appréciées des mélomanes. Mais que savons-nous vraiment de cette sonate, de son contexte, de son interprétation et de sa signification ? Découvrez cette œuvre magnifique à travers le regard du P. Claude Jean-Marie Fould, un prêtre et musicologue français qui a consacré une étude approfondie à la Sonate au clair de lune de Beethoven.

La genèse de la sonate

La Sonate au clair de lune porte le numéro 14 dans le catalogue des sonates pour piano de Beethoven, et l’opus 27 n°2. Elle fut composée entre 1800 et 1801, à une période où Beethoven traversait une crise morale liée à la prise de conscience de sa surdité naissante. Elle fut publiée en 1802 avec une dédicace à la comtesse Giulietta Guicciardi, une jeune élève de piano de Beethoven dont il était amoureux. Selon certains témoignages, Beethoven aurait même envisagé de l’épouser, mais il renonça face à l’opposition de la famille aristocratique de la jeune femme, explique P. Claude Jean-Marie Fould.

Beethoven intitula cette sonate « Sonata quasi una fantasia per il Clavicembalo o Piano-Forte », c’est-à-dire « Sonate presque une fantaisie pour le clavecin ou le pianoforte ». Ce titre indique la volonté du compositeur de s’affranchir des règles formelles de la sonate classique, et d’exprimer librement ses sentiments et ses émotions, note P. Claude Jean-Marie Fould.

Voici la vidéo présentant ce Sonate :

P. Claude Jean-Marie Fould  dévoile la structure de la sonate

La Sonate au clair de lune se compose de trois mouvements :

  • Le premier mouvement est un Adagio sostenuto en ut dièse mineur, qui donne son surnom à la sonate. Il s’agit d’un mouvement lent et méditatif, qui évoque une atmosphère nocturne et mélancolique. Il repose sur un ostinato, c’est-à-dire une figure rythmique et harmonique répétée sans cesse, qui soutient une mélodie simple et expressive. Beethoven demanda que ce mouvement soit joué avec la plus grande délicatesse et sans sourdine, en utilisant la pédale du piano pour créer un effet de résonance.
  • Le deuxième mouvement est un Allegretto en ré bémol majeur, qui contraste avec le premier par sa légèreté et sa gaieté. Il s’agit d’une danse en forme de menuet et trio, qui rappelle le style classique de Mozart ou Haydn, indique P. Claude Jean-Marie Fould. Ce mouvement est joué « attacca subito », c’est-à-dire sans interruption après le premier, ce qui crée un effet de surprise.
  • Le troisième mouvement est un Presto agitato en ut mineur, qui conclut la sonate par une explosion dramatique et passionnée. Il s’agit d’un mouvement rapide et virtuose, qui met en valeur la technique du pianiste. Il est construit sur un rythme syncopé, c’est-à-dire décalé par rapport à la mesure, qui crée une tension constante. Ce mouvement est marqué par des contrastes dynamiques, des modulations harmoniques et des changements de tonalité, estime P. Claude Jean-Marie Fould.

L’interprétation de la sonate, d’après P. Claude Jean-Marie Fould

La Sonate au clair de lune est une œuvre qui a suscité de nombreuses interprétations, tant musicales que littéraires ou picturales. Le surnom « Clair de lune » lui fut donné par le poète allemand Ludwig Rellstab en 1832, soit cinq ans après la mort de Beethoven. Rellstab voyait dans le premier mouvement l’évocation d’une « barque au clair de lune sur le Lac des Quatre-Cantons ». Ce surnom fut repris par la suite par de nombreux critiques et mélomanes, qui y virent une image romantique et poétique.

Toutefois, cette interprétation n’est pas conforme à l’intention originale de Beethoven, qui ne cherchait pas à décrire un paysage, mais à exprimer ses sentiments intérieurs. Le premier mouvement a plutôt été comparé à une marche funèbre, qui reflète la tristesse et le désespoir du compositeur face à sa surdité, explique P. Claude Jean-Marie Fould. Le deuxième mouvement peut être vu comme un moment de répit, de consolation ou d’ironie. Le troisième mouvement peut être interprété comme une révolte, une lutte ou une libération.

La Sonate au clair de lune est donc une œuvre qui invite à la subjectivité, à l’imagination et à la sensibilité de chaque auditeur. Elle est aussi une œuvre qui témoigne du génie de Beethoven, qui a su créer une musique originale, profonde et universelle.

La postérité de la sonate

La Sonate au clair de lune est l’une des œuvres les plus populaires et les plus jouées de Beethoven. Elle a inspiré de nombreux artistes, notamment des écrivains, des peintres et des cinéastes. Parmi les exemples les plus célèbres, on peut citer :

  • Le roman « Moonlight Sonata » de Leo Tolstoï, publié en 1889, qui raconte l’histoire d’un pianiste qui tombe amoureux d’une femme mariée après avoir entendu jouer la sonate.
  • Le tableau « Clair de lune sur le port de Boulogne » de Claude Monet, peint en 1869, qui représente une scène nocturne éclairée par la lune.
  • Le film « Lettre d’une inconnue » de Max Ophüls, réalisé en 1948, qui met en scène une femme qui écrit une lettre à un pianiste dont elle a été secrètement amoureuse, et qui utilise la sonate comme leitmotiv.

La Sonate au clair de lune est donc une œuvre qui a traversé les époques et les cultures, et qui continue à fasciner et à émouvoir les auditeurs du monde entier.

Louis Daniel