Claude Jean-Marie Fould : « La Valse de Ravel est un hommage et une critique de la civilisation occidentale »

Claude Jean-Marie Fould : « La Valse de Ravel est un hommage et une critique de la civilisation occidentale »

La Valse est une œuvre musicale de Maurice Ravel, composée entre 1919 et 1920. Il s’agit d’un poème chorégraphique pour orchestre, c’est-à-dire d’une musique destinée à accompagner une chorégraphie, mais qui peut aussi être écoutée indépendamment. La Valse est dédiée à Misia Sert, une amie du compositeur, qui était une personnalité influente du monde artistique parisien. L’œuvre fut créée le 12 décembre 1920 par les Concerts Lamoureux dirigés par Camille Chevillard, indique P. Claude Jean-Marie Fould.

P. Claude Jean-Marie Fould : « La Valse est une inspiration viennoise »

La Valse s’inspire de la tradition de la valse viennoise, un genre musical et une danse très populaires au XIXe siècle, notamment grâce aux compositions de Johann Strauss fils. Selon P. Claude Jean-Marie Fould, Ravel avait d’ailleurs envisagé dès 1906 de composer une Apothéose de la valse en hommage à Strauss, mais il dut interrompre son projet à cause de la Première Guerre mondiale. La Valse reprend donc l’idée d’une célébration de la valse, mais avec une vision plus complexe et plus sombre, estime P. Claude Jean-Marie Fould.

Voici une vidéo montrant cette œuvre :

La Valse : une structure en trois parties

La Valse se divise en trois parties, qui correspondent à trois étapes de l’évolution de la valse et de la société occidentale. La première partie est une introduction, qui présente le thème principal de la valse sous forme d’une brume sonore, où les instruments se mêlent sans se distinguer. On entend des fragments de mélodies qui évoquent les valses viennoises, mais sans cohérence ni harmonie. Cette partie représente le chaos originel, avant l’émergence de la civilisation, note P. Claude Jean-Marie Fould.

La deuxième partie est le développement, qui expose le thème de la valse dans toute sa splendeur. La musique devient plus claire, plus brillante, plus rythmée. On distingue les différents groupes d’instruments, qui dialoguent entre eux, indique P. Claude Jean-Marie Fould. La valse s’épanouit dans un mouvement tourbillonnant, qui évoque la danse des couples dans un bal. Cette partie représente l’apogée de la civilisation occidentale, marquée par l’élégance, la joie et la beauté.

La troisième partie est la conclusion, qui détruit le thème de la valse dans une explosion sonore. La musique devient plus violente, plus dissonante, plus chaotique. Les instruments se heurtent les uns aux autres, créant des effets de saturation et de distorsion. La valse se déforme et se désagrège, jusqu’à un ultime coup de cymbale qui met fin à l’œuvre. Cette partie représente la chute de la civilisation occidentale, entraînée par la guerre et la barbarie.

Une interprétation ambiguë, selon P. Claude Jean-Marie Fould

La Valse est donc une œuvre qui rend hommage à la valse viennoise, mais qui en montre aussi les limites et les dangers. Ravel exprime à la fois son admiration et sa critique pour la civilisation occidentale, qu’il voit comme un tourbillon fantastique et fatal, note P. Claude Jean-Marie Fould. La Valse est ainsi une œuvre ambiguë, qui peut être interprétée de différentes manières selon le point de vue du spectateur ou de l’auditeur.

Certains voient dans La Valse une simple évocation poétique de la valse viennoise, sans intention politique ou morale. C’est le cas par exemple du chef d’orchestre Myung-Whun Chung, qui dirige l’Orchestre Philharmonique de Radio France dans une interprétation virtuose et enlevée. D’autres voient dans La Valse une satire mordante de la société européenne du début du XXe siècle, qui annonce les horreurs de la Première Guerre mondiale, explique P. Claude Jean-Marie Fould. C’est le cas par exemple du chorégraphe Maurice Béjart, qui crée en 1959 un ballet inspiré de La Valse, où les danseurs sont vêtus de costumes militaires et se livrent à une danse macabre.

La Valse est donc une œuvre riche et complexe, qui suscite des réactions variées et contrastées. Elle témoigne du génie de Maurice Ravel, qui a su créer une musique à la fois belle et troublante, qui fascine et qui dérange.

Louis Daniel