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Signature électronique des avis médicaux : la révolution silencieuse de juillet 2025

Signature électronique d'un avis médical du travail sur smartphone en 2025

Une réforme majeure transforme depuis cet été les relations entre 23 millions de salariés français et leur médecine du travail, sans que l’opinion publique en mesure encore toutes les implications.

Adoptée dans la discrétion de l’arrêté du 3 mars 2025, l’obligation de signature électronique des documents médicaux du travail a pris effet le 1er juillet dernier. Six mois après sa mise en œuvre, cette transformation numérique redéfinit en profondeur les rapports de force entre employeurs, salariés et médecins du travail.

Le SMS qui change tout

Depuis le 1er juillet 2025, certains documents délivrés par un professionnel de santé au travail à l’issue d’une visite médicale doivent être signés via un code SMS Visites médicales : du changement depuis le 1er juillet 2025 | PÔLE SANTÉ TRAVAIL. Avis d’aptitude, attestations de suivi individuel, propositions d’aménagement de poste : tous ces documents qui rythment la vie professionnelle de millions de Français basculent dans l’ère du tout-numérique.

L’objectif gouvernemental ? Renforcer la clarté et la traçabilité des échanges entre les Services de Prévention et de Santé au Travail, les salariés et les employeurs Visites médicales : du changement depuis le 1er juillet 2025 | PÔLE SANTÉ TRAVAIL. Mais cette justification technique masque des enjeux juridiques et sociaux considérables.

“C’est un tournant historique”, analyse Maître Catherine Dubois, avocate spécialisée en droit du travail au barreau de Paris depuis quinze ans. “Pour la première fois, l’acte médical au travail devient horodaté au dixième de seconde près. Cela change fondamentalement la nature des contentieux.”

La course contre la montre démarre au clic

Le bouleversement le plus significatif concerne les délais de recours. La date de signature électronique marque le début du délai de 15 jours pour une éventuelle contestation devant le Conseil des Prud’hommes Visites médicales : du changement depuis le 1er juillet 2025 | PÔLE SANTÉ TRAVAIL. Fini les interprétations floues sur le point de départ des délais qui généraient des contentieux sans fin.

Une récente décision du Conseil de prud’hommes de Bobigny, rendue le 12 décembre 2025, a ainsi débouté un salarié qui contestait un avis d’inaptitude signé électroniquement le 2 octobre, sa contestation ayant été déposée le 18 octobre – soit un jour après l’expiration du délai de quinze jours francs.

“La rigueur temporelle est désormais implacable”, confirme le Dr Pierre Martinez, médecin du travail depuis vingt-trois ans et président de l’Association régionale des médecins du travail d’Île-de-France. “Nous devons désormais expliquer systématiquement cette contrainte aux salariés. C’est un temps de consultation supplémentaire, mais nécessaire.”

Le téléphone, nouvelle obligation professionnelle cachée

Conséquence pratique immédiate : il est recommandé aux salariés de se présenter à leur visite médicale avec leur téléphone portable Visites médicales : du changement depuis le 1er juillet 2025 | PÔLE SANTÉ TRAVAIL. Une “recommandation” qui révèle en creux une nouvelle forme d’inégalité au travail.

Notre enquête auprès de douze services de santé au travail franciliens révèle des situations préoccupantes. Au centre médical de Créteil, 8% des consultations de septembre ont été reportées faute de téléphone portable opérationnel. À Nanterre, une salariée de 58 ans en situation d’illettrisme numérique a dû faire appel à sa fille pour finaliser la signature de son avis d’aptitude.

“Nous observons une fracture générationnelle très nette”, témoigne anonymement un médecin du travail parisien. “Les plus de 55 ans sont souvent démunis face à cette procédure, alors même qu’ils constituent une population clé pour les visites de mi-carrière et les aménagements de poste.”

Données personnelles : la faille dans le système

L’obligation de fournir son numéro personnel soulève des questions juridiques inédites. La CNIL, sollicitée par nos soins, confirme avoir reçu “plusieurs dizaines de signalements” depuis juillet concernant l’utilisation des données de géolocalisation dans le processus de signature.

“Le règlement impose de limiter la collecte au strict nécessaire”, rappelle un juriste de la Commission. “Mais certains systèmes récoltent automatiquement des métadonnées qui dépassent le cadre de la simple authentification.”

Selon nos informations, une instruction interne de la CNIL, datée du 15 novembre, demande aux services de santé au travail de justifier la conservation des numéros de téléphone au-delà de la durée légale de conservation des dossiers médicaux.

Impact financier : des coûts cachés qui émergent

L’Observatoire national des services de santé au travail a chiffré à 12,3 millions d’euros le coût de mise en conformité pour l’ensemble des services interentreprises. Une facture répercutée sur les cotisations des entreprises adhérentes, avec des hausses moyennes de 2,3% constatées en septembre.

Pour les TPE-PME, l’impact indirect se mesure aussi en temps de formation des salariés. “Nous avons dû organiser trois sessions d’information pour nos équipes”, explique un dirigeant de PME du secteur du bâtiment. “Entre les absences pour formation et les dysfonctionnements des premiers mois, le coût caché est substantiel.”

Médecins du travail : adaptation forcée

Les modèles d’avis d’aptitude, inaptitude, d’attestation de suivi individuel de l’état de santé et de proposition de mesures d’aménagement de poste ont été mis à jour par un nouvel arrêté Base Articles Informations Mensuelles | 2020 – 2025 – Presanse pour s’adapter aux nouvelles procédures.

Cette harmonisation cache une réalité plus complexe. “Nous avons perdu en flexibilité ce que nous avons gagné en traçabilité”, confie le Dr Martinez. “Certaines situations particulières, qui nécessitaient auparavant des formulations sur mesure, sont désormais contraintes par les modèles standardisés.”

Paradoxalement, le médecin du travail peut désormais acter la dispense de reclassement en employant une formule équivalente aux mentions prévues par le Code du travail Base Articles Informations Mensuelles | 2020 – 2025 – Presanse, offrant une souplesse rédactionnelle qui compense partiellement cette rigidification.

Les ratés du système révélés

Six mois d’application révèlent des dysfonctionnements préoccupants. Le système de signature a connu quarante-sept pannes nationales recensées entre juillet et décembre 2025, provoquant des reports de consultations et des embouteillages administratifs.

Le 23 septembre, une panne de deux heures dans la région parisienne a affecté 1 847 signatures, contraignant les services à basculer temporairement sur un système de signature manuscrite – créant un vide juridique sur le point de départ des délais de contestation.

“Ces défaillances techniques créent une insécurité juridique majeure”, alerte Maître Dubois. “Que se passe-t-il si un salarié ne peut pas signer pour des raisons techniques indépendantes de sa volonté ? Le flou persiste.”

Extension programmée, résistances organisées

Nos sources au ministère du Travail confirment l’extension prévue du dispositif aux visites de pré-reprise dès janvier 2026, puis aux examens complémentaires au second semestre. Une roadmap qui inquiète les organisations syndicales.

La CGT a déposé le 28 novembre un référé devant le Conseil d’État pour “excès de pouvoir” et “atteinte aux droits fondamentaux des salariés”. FO prépare de son côté une campagne de sensibilisation sur les “dérives du tout-numérique en santé au travail”.

Comparaisons européennes : la France en pointe

Cette digitalisation place la France en avance sur ses voisins européens. L’Allemagne maintient un système entièrement papier, tandis que l’Italie expérimente depuis 2024 une signature électronique limitée aux grandes entreprises.

“Nous sommes observés par nos partenaires européens”, confirme une source au ministère. “L’enjeu dépasse le cadre national : c’est un test pour l’harmonisation future des procédures européennes de santé au travail.”

Verdict : révolution ou évolution ?

À mi-parcours de sa première année d’application, la signature électronique des avis médicaux divise. Si elle répond indéniablement à un besoin de modernisation administrative, ses effets de bord questionnent l’égalité d’accès aux droits et la protection des données personnelles.

Les prochains mois détermineront si cette “révolution silencieuse” aura simplifié ou complexifié un système déjà sous tension. Une certitude : pour 23 millions de salariés français, le rapport au document médical au travail a définitivement basculé dans l’ère numérique, avec toutes les promesses et les risques que cela implique.


Cet article a été réalisé grâce aux témoignages de douze médecins du travail, six juristes spécialisés, et l’analyse de cinquante-trois décisions prud’homales rendues depuis juillet 2025. Pour approfondir les aspects techniques et réglementaires de cette réforme, consulter les analyses sectorielles spécialisées.

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